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mercredi 21 décembre 2011

Le modèle suédois : secrets d'une réussite

Pour le sauver, les sociaux-démocrates, au pouvoir entre 1994 et 2006, ont travaillé main dans la main avec les leaders d’opposition pour changer radicalement les règles du jeu budgétaire. Auparavant, chaque ministère présentait son budget tous les ans, le Premier ministre additionnait le tout, et le Parlement validait les totaux. Désormais, les députés fixent d’abord une enveloppe générale, en se basant uniquement sur l’état des rentrées fiscales.
Puis ils déterminent, pour les trois années à venir, les plafonds de dépenses que chaque administration devra respecter à la lettre (ou plus exactement au chiffre). Si, par exemple, le ministère de l’Enseignement supérieur est contraint d’accorder plus de bourses que prévu, il devra se débrouiller pour économiser ailleurs, sur les frais informatiques, les salaires ou les primes… Peu importe, tant que le plafond n’est pas dépassé. Et la règle vaut aussi pour les régions et les communes. «Cela a pris un peu de temps, mais tout le monde s’est fait à cette discipline», assure Per Molander.
Autre principe intangible : le gouvernement doit impérativement dégager un ex­cédent d’au moins 1% sur un cycle économique (cinq ans en moyenne). Les déficits sont autorisés les mauvaises années, lorsque les rentrées fiscales baissent.
Mais, les bonnes, toutes les recettes supplémentaires sont automatiquement mises de côté. «Ces règles nous paraissent bien plus intelligentes que celles de Maastricht, et plus encore que celles des Allemands : ils ont interdit les déficits dans leur Constitution», commente Håkan A. Bentgsson, du centre de réflexion Arena.
La conversion aux méthodes des entreprises est encore plus spectaculaire dans l’Education. Pour conserver la gratuité de l’école (de la maternelle au bac) tout en introduisant une véritable concurrence entre les établissements, les Suédois ont inventé une formule inédite. Aujourd’hui, n’importe quelle entreprise ou association peut ouvrir une école. Les proviseurs peuvent y embaucher, licencier et fixer les salaires à leur guise. Les parents, de leur côté, choisissent le collège ou le lycée qui leur semble le meilleur. Liberté pour tout le monde en somme.
Pour chaque élève inscrit dans leurs rangs, les établissements reçoivent un «chèque éducation» de 5 000 à 8 000 euros par an versé par la commune d’origine des parents. «Afin de les attirer, nous avons dû nous battre pour améliorer le contenu de nos cours et embaucher les meilleurs profs», explique Louise Andersson, au conseil du lycée privé de VRG Jarlaplan, à Stockholm. Cette concurrence bien pensée a tiré la qualité de l’enseignement et les salaires vers le haut : 2 300 euros par mois pour un prof junior, contre 1 600 chez nous.

Là-bas, ils veulent tous prendre leur retraite le plus tard possible !
Sarkozy ferait bien d’en prendre de la graine : en 2000, les sociaux-démocrates, la droite et les syndicats suédois se sont tous mis d’accord pour réformer le système de retraites. Jusque-là, il fonctionnait à peu près comme le nôtre : quarante ans de cotisations et des pensions calculées selon le salaire moyen des quinze meilleures années. ­Aujourd’hui, les Suédois partent quand ils veulent. Le montant de la retraite est fixé en fonction du montant des cotisations versées, du nombre d’années travaillées, de l’espérance de vie de leur génération et, pour 2,5%, des performances du fonds de pension où les salariés placent une partie de leurs cotisations. «C’est une retraite totalement à la carte», résume l’économiste Nils Karlson. Les Suédois, qui n’aiment guère se tourner les pouces, en profitent pour s’arrêter le plus tard possible, à 66 ou 67 ans.

lundi 19 décembre 2011

Le livre de la semaine : La prochaine fois

La prochaine fois ; Marc Lévy

2266147722Edition Pocket ; 258 pages.
6,20 euros.
"Parti à la recherche d'un tableau mystérieux, Jonathan croise la route de Clara. Tous deux sont convaincus de s'être déjà rencontrés. Mais où et quand ? A Londres, il y a plus d'un siècle... Le quatrième roman de Marc Levy entraîne ses lecteurs de Saint-Pétersbourg à Boston, de Londres à Florence et Paris, dans une histoire où amours et énigmes défient le temps."
Avec Marc Lévy, on est toujours partagé ; soit on cherche un livre avec un style d'écriture remarquable, et des idées novatrices et on déteste, soit on veut passer un agréable moment, ne pas se prendre trop la tête, et oublier tous nos soucis et on adore !
J'ai beau être une inconditionnelle de la littérature anglaise "classique", j'aime bien Marc Lévy. Je fonctionne sur coups de coeur, et avec cet auteur, je suis servie. Toujours un passage, une blague, une idée, qui me fait adhérer au livre que je lis. Ici, c'est la lettre qui ouvre le livre qui m'a charmée. Je vous en mets des extraits :
"Jonathan,
T'appelles-tu toujours ainsi ? Je réalise aujourd'hui qu'il y a tant de choses que je ne savais pas et je repousse sans cesse les mesures de ce vide qui m'entoure depuis que tu es parti. Souvent, lorsque la solitude obscurcissait mes journées je regardais le ciel, puis la terre avec cette farouche impression que tu étais là quelque part. Et il en fut ainsi au cours de toutes ces années, seulement nous ne pouvions plus nous voir, ni nous entendre.
Il paraît que nous pourrions passer l'un à côté de l'autre sans même nous reconnaître.
Je n'ai cessé de lire depuis le jour de ton départ, visité tant de lieux à ta recherche, à celle d'un moyen de comprendre, d'un quelconque savoir. Et plus les pages de la vie se tournaient, plus je réalisais que la connaissance s'éloignait de moi, comme dans ces cauchemars ou chaque pas en avant vous fait reculer d'autant.
J'ai arpenté les galeries sans fin des bibliothèques, les rues de cette ville qui fut la nôtre, celle où nous partagions presque tous nos souvenirs depuis l'enfance. [...]
Dis-lui, Jonathan, que j'étais ton ami, que tu étais mon frère, peut-être mieux encore puisque nous nous étions choisis, dis-lui que rien n'a jamais su nous séparer, même votre départ si soudain. [...]
Quelques lignes encore et tu replieras cette lettre, tu la rangeras silencieusement dans la poche de ta veste, tu croiseras ensuite tes mains dans ton dos et tu souriras, comme moi en t'écrivant ces derniers mots. Moi aussi, je souris, Jonathan, je n'ai jamais cessé de sourire. [...]"

dimanche 27 novembre 2011

recette du jour : sauce au champignon


NGREDIENTS

Pour 2 personne(s)

810 champignons de Paris frais
1 petit oignon émincé
1 noix de beurre
2 CS de crème fraîche épaisse
5 cl de vin blanc
1 CC de fond de veau
Sel, poivre

PREPARATION

1
Faire fondre le beurre dans une sauteuse, ajouter l'oignon émincé et les champignons taillés en lamelles. Saler et poivrer tout de suite pour faire dégorger les champignons... Cela accélère leur cuisson
2
Quand les champignons et les oignons sont bien revenus, cela prend environ 10-15 min à feu moyen, mouiller avec le vin blanc et laisser réduire quelques minutes.
3
Ajouter la crème fraiche et mélanger doucement pour qu'elle fonde avec une cuillère en bois.
Laisser mijoter quelques instants pour que les saveurs se mêlent.
Terminer par la cuillère à café de fond de rôti pour lier...

Le livre de la semaine : Itinéraire d'un salaud ordinaire

Itinéraire d'un salaud ordinaire

medium_2070779882.01.MZZZZZZZ.2.jpgDidier Daeninckx n'a pas fini de s'occuper de l'Occupation. Après quelques uns de se romans phares comme Meurtres pour mémoireLa mort n'oublie personneEthique en toc… le polareux d'Aubervilliers retrace aujourd'hui l'Itinéraire d'un salaud ordinaire. Ou l'histoire de Clément Duprest, brillant étudiant en droit de 25 ans, qui intègre la police parisienne en mai 1942, quelques jours avant la rafle du Vel d'Hiv. Duprest affirme ne pas faire de politique, simplement appliquer la loi, même honteuse. Un flic de l'ombre, mauvais père et mari, pas vraiment une ordure, juste un salaud ordinaire qui va traquer les résistants, communistes comme gaullistes, les juifs. Des hommes, des femmes, des enfants, qu'il va envoyer à Drancy, direction les camps de la mort. Sans remord, sans véritable haine non plus, simplement avec l'obsession administrative du travail bien fait.
Daeninckx aime à décrire cette humanité dévoyée, sorte de fourmi ouvrière de l'horreur, qui agit sans jamais se poser de question pendant près de quarante ans. Car Duprest, qui a miraculeusement retourné sa veste à la Libération, va participer à tous les coups tordus des IVe et Ve Républiques. Guerres de colonisation, infiltration du mouvement de 68, affaires politico-mafieuses des années 1970, jusqu'à la candidature avortée de Coluche à la présidentielle en 1981. Une carrière on ne peut plus propre dans ce qu'il y a de plus sale.
Roman de l'histoire immédiate, Didier Daenickx plonge le lecteur dans les basses fosses de la République, rythmant le récit par les faits les plus sombres des cinquante dernières années françaises (rafle du Vel d'Hiv, épuration, massacre de la manifestation Charonne en 1961, manipulations politiques en 1968, jusqu'au collabo René Bousquet, salaud extraordinaire lui, reçu en grand pompe par son ami François Mitterrand àla première garden-party de l'Elysée nouvellement socialiste en 1981). Avec à chaque fois luxe de détails sur la vie quotidienne de chaque époque.
Sans être véritablement un polar, Itinéraire d'un salaud ordinaire est un fort roman noir, qui laisse un goût amer au lecteur, contraint de voir dans ce mal banal, une part de lui-même.
Bastien Bonnefous
Itinéraire d'un salaud ordinaire, Didier Daeninckx, Gallimard, 313 p., 17,50 €.

DIDIER DAENINCKX VOUS PARLE !

medium_DAENINCKX4.jpgPourquoi aborder la période de l’Occupation par la figure du collaborateur plutôt que par celle du résistant ?
Pour voir la vérité au ras du bitume. Le collabo permet de voir l’abjection ordinaire de l’Occupation, celle des hommes qui ont continué à faire leurs petites ou grandes affaires alors que la situation était totalement inhumaine. La figure du collabo me permet aussi de parler d’évènements que les résistants n’ont pu vivre, comme la rafle des machines à coudre dont personne ou presque ne se souvient. Tout le monde connaît la rafle du Vel d’Hiv, le 17 juillet 1942, et beaucoup d’ouvriers juifs raflés travaillaient dans le textile et la couture sur la place parisienne. Dans les jours qui ont suivi, la chambre parisienne du textile a organisé la rafle des machines à coudre pour que le commerce continue. Le regard du résistant valorise ce qu’il y a eu d’exceptionnellement humain dans une période abjecte et d’abaissement. Les résistants apparaissent dans le livre parce que mon personnage ne cesse de les traquer. Il traque les juifs, les déviants, les communistes, les gaullistes. On voit à travers son regard, toute cette humanité digne.
Meurtres pour mémoireLa mort n’oublie personneItinéraire d’un salaud ordinaire, et plusieurs livres sur le révisionnisme, l’Occupation revient constamment dans votre œuvre. Pourquoi ?
C’est une période qui n’a pas été purgée. Papon a été condamné définitivement en 1998 pour des faits commis en 1942, la société française a mis plus de 60 ans à s’attaquer à cette période. Il a fallu attendre le discours de Chirac en 1995 au Vel d’Hiv, pour que l’Etat français reconnaisse la complicité de la France dans la solution finale. Je travaille sur des choses qui bloquent le pays et l’empêchent de se projeter normalement dans le futur. On sait que dans une famille, quand il y a des secrets cachés, les petits-enfants deviennent malades sans raison, mais ils expriment sans le savoir un traumatisme. Pour un pays, c’est la même chose. Les institutions ont du mal à traiter ces problèmes en temps réel, le domaine artistique vient en franc-tireur, les romans, les films, les chansons… L’artistique se colle à cette nécessité sociale et oblige les institutions à réagir.
Par rapport à vos autres romans sur l’Occupation, comment situez-vousItinéraire d’un salaud ordinaire ?
Il est à l’autre bout. Meurtres pour mémoire repose sur la personnalité de Papon et parle des criminels de bureaux qui tuaient avec une signature ou un coup de tampon, sans jamais voir leurs victimes en face qui ne sont pour eux que des listes de noms. Mais les Papon ou les Bousquet ne peuvent exister pendant l’Occupation, que si sur le terrain, ils ont une phalange d’hommes obéissants. J’ai voulu décrire ces milliers de terminaisons nerveuses, qui, eux, sont confrontés à la détresse de leurs victimes. Comment se construisent-ils une carapace pour ne pas en être affectés ? Les sociétés arrivent à fabriquer des hommes obéissants, imperméables aux sentiments.

Comment vous est venue l’idée du livre ?
De la lecture d’un article dans le Monde en 2000 à propos d’une enquête des RG sur 150 personnalités de gauche anti-fasciste, dont j’étais. J’ai voulu savoir comment les RG m’ont espionné, savoir qui sont ces gens. J’ai alors commencé à rassembler de la documentation sur ces services de renseignements pendant la guerre, puis durant la décolonisation, remontant sur près de 40 ans d’histoire. Je suis tombé sur des choses extraordinaires sur la manipulation de la presse, l’utilisation de la radio comme arme de propagande déguisée, l’affaire Coluche en 1980 au moment où il veut se présenter à la présidentielle…
Comment s’est construit votre personnage du policier Clément Duprest ?
Il est le croisement de cinq ou six types qui ont vraiment existé dans ces services durant les 40 dernières années, des archétypes d’inspecteurs ou de commissaires. Beaucoup d’anciens collabos qui en 1948, au moment de la guerre froide, ont repris du service. Des types que l’on retrouve dans toutes les manifs qui ont dégénéré en France ou dans les colonies dans les années 1950.
Pourquoi s’arrêter en 1981 ?
Il y a d'abord l’âge du personnage qui a 25 ans en 1942 et qui se retrouve à la retraite début 1980. Mais j'ai surtout voulu composer une sorte de cycle. Ça commence en mai 1942 avec la rafle du Vel d’Hiv, un des points les plus sinistres de l’histoire française, et ça finit en 1981, avec la traque d’un clown, Coluche, par les mêmes gens avec les mêmes méthodes. Commencer l’histoire dans le tragique et finir dans la farce. Et puis, Coluche, c’est les Restaurants du cœur, même s’ils n’existaient pas encore en 1981. Or, pendant l’Occupation, en mai 1942, Pétain avait créé les Restaurants des Intellectuels, sorte de soupes populaires améliorées où des artistes pouvaient venir manger. Pour moi, c’était un bon clin d’œil romanesque.
Vous finissez surtout en 1981 par l’arrivée à la première garden-party de Mitterrand à l’Elysée, de son ami, René Bousquet…
J’ai voulu montrer que les promesses de la gauche en 1981, comme par exemple la dissolution des RG, n’ont jamais été tenues. Au contraire, on retrouve les mêmes personnages qui entrent par la grande porte. Pour moi, Bousquet à l’Elysée, c’est un symbole terrible qui annonce la face noire du mitterrandisme, les écoutes, la manière de gérer le secret par les mêmes méthodes.
Les salauds ordinaires existent-ils toujours ?
Toute société, tout pouvoir a besoin de gens qui sont dans l’obéissance sans conscience. Je l’ai décrit sur 40 ans, mais aux lecteurs maintenant de se demander où ces hommes se situent aujourd’hui. Où est aujourd’hui la manipulation de la presse en pleine affaire Clearstream, au moment où des actionnaires et des politiques mettent la pression sur Serge July ou Alain Genestar à Paris Match ?
On retrouve également dans votre roman, la Seine-Saint-Denis, où vous êtes né et où vous vivez toujours, à Aubervilliers…
La Seine-Saint-Denis n’existait pas pendant l’Occupation, c’était le département de la Seine. Mais c’est un lieu extraordinaire, parce que pendant la guerre, on y retrouve à la fois le colonel Fabien, symbole de la résistance totale, Jacques Doriot, l’homme de gauche passé au nazisme, et Pierre Laval, sans qui les persécutions antisémites n’auraient sans doute pas existé à ce point. On est sur un territoire marqué par tous ces traumatismes.
Comment avez-vous travaillé le sens du détail de la vie ordinaire de l’époque ?
J’ai regardé des films, des photos d’époque, j’ai écouté les chansons, lu les journaux… Aujourd’hui, il existe en DVD toutes les actualités Pathé d’alors, des heures et des heures d’images de l’époque. Mon personnage va souvent au cinéma pour sonder le moral des spectateurs – les premiers sondages d’opinions ont été créés par les RG, la première boîte de sondages était liée à la préfecture de police. Du coup, j’ai vu les mêmes films que lui dans le livre. J’ai retenu des détails au hasard de lectures, comme certains tracts de résistance.
Avez-vous aussi utilisé des souvenirs personnels ?
Je suis né après la guerre, en 1949, mais j’ai connu un lecteur, à la retraite aujourd’hui, qui passait souvent me voir à Aubervilliers. Son père a été fusillé avant même sa naissance, pour avoir dirigé un réseau de résistance à Aubervilliers. Il a fait tout un travail pour reconstituer l’histoire de l’arrestation et de la mort de son père, en retrouvant notamment tous les interrogatoires par les Brigades spéciales. Comment le réseau est-il tombé ? L’explication est dans les interrogatoires. Personne n’a parlé, il n’y a pas eu de traître. Mais un des membres du réseau a essayé de s’échapper à vélo. Dans sa fuite, il a abandonné le vélo. Or, à l’époque, il y avait une plaque sur le guidon avec le nom et l’adresse du propriétaire, comme une carte grise aujourd’hui. Les Allemands ont récupéré le vélo, et le nom dessus était celui du père de ce monsieur, et c’est comme ça qu’ils ont remonté et démantelé le réseau. On ne le sait que depuis l’année dernière.
On ressent un malaise à la lecture du roman, parce que l’on peut se reconnaître…
Mon personnage de collabo est finalement banal. Il connaît des problèmes familiaux, il a des problèmes pour le rationnement. J’ai voulu montrer que le bourreau n’est pas en dehors du réel. Et aussi insister sur l’antisémitisme ordinaire, pas forcément meurtrier, qu’on entend un peu partout, comme aujourd’hui, les réflexes anti-arabes ou anti-chinois. Ces petites choses qu’on laisse s’installer sans vraiment en avoir conscience et qui peu à peu font système.
Faites-vous un parallèle avec les expulsions actuelles de sans-papiers par Nicolas Sarkozy?
Je ne tombe pas dans ce discours d’amalgame, je fais toujours la différence. Pendant l’Occupation, les politiques étaient meurtrières, leur finalité était les camps de la mort. Aujourd’hui, je m’élève contre les lois Sarkozy, mais la comparaison ne tient pas. Je suis prêt à accueillir des mômes chez moi, mais ma maison n’est pas celle d’Izieux. En revanche, si on laisse s’installer de tels réflexes, on peut toujours habituer un peuple à considérer que les violences de masse sont une bonne manière de gérer les problèmes du monde.
Recueillis par Bastien Bonnefous
Photo : Stéphane Viard 

Although not really a thriller, Journey of a bitch is usually a strong thriller that leaves a bitter taste to the reader, compelled to see this evil banal, a part of himself. Bastien Bonnefous Itinerary of a bastard ordinary Daeninckx Didier Gallimard, 313 pp., € 17.50. Didier Daeninckx YOU SPEAK!

lundi 14 novembre 2011

Le livre de la semaine : La Petite fille de Monsieur Linh


L'ouvrage:
Monsieur Linh est un vieil homme. Il a un fils. Son fils est marié, il a une petite fille de dix jours, Sang Diû.
Un jour, monsieur Linh va chercher son fils et sa belle-fille dans la rizière où ils travaillent. Ils sont morts... Une bombe a explosé, et a tout dévasté. Il ne reste que la petite fille, intacte, près de sa poupée dont l'explosion a emporté la tête.
Monsieur Linh sait que Sang Diû et lui ne seront jamais en sécurité dans leur pays. Alors, pour elle, il se résout à quitter le pays. En effet, il n'a plus rien. Sang Diû est tout ce qui lui reste. Il veut la préserver, la protéger. Il veut qu'elle ait une belle vie. Ils embarquent sur un bateau, avec d'autres réfugiés.
Ils se retrouvent dans un pays inconnu, dans un dortoir, avec d'autres réfugiés. Sang Diû est toujours très sage.
Au bout de quelques jours, monsieur Linh va se promener, avec Sang Diû qu'il ne laisse jamais seule. C'est ainsi qu'il rencontre monsieur Bark, un vieil homme, fumeur invétéré. Malgré la barrière du langage, monsieur Linh et monsieur Bark se comprennent, et deviennent amis.
Critique:
Ce livre est très beau, très touchant, très bien écrit. Nous sommes dans la tête de monsieur Linh. Tout (ou presque) est raconté de son point de vue. On découvre un pays occidental de son point de vue, et on comprend ce qui peut le choquer ou le surprendre. Il est parachuté dans un monde totalement différent de ce qu'il connaît. Personne ne l'aide à s'adapter, personne n'essaie de le comprendre, il est seul. Monsieur Bark est le seul qui le considère comme un être humain.
Les pays ne sont jamais nommés, mais au fil de la lecture, on finit par savoir (ou par se douter) de quels pays il s'agit. Le fait de ne pas les nommer entoure les événements de mystère, d'irréalité...
Ce livre est aussi une merveilleuse histoire d'amitié, entre deux hommes simples qui ont vécu, qui ont souffert de la vie. Il y a aussi une petite note d'humour, car monsieur Bark se méprend sur le nom de monsieur Linh. Cette erreur qui fait sourire le lecteur me fait penser à une nouvelle de Frigyes Karinthy, dans le recueil "Je dénonce l'humanité". Toute la nouvelle est bâtie sur ce genre d'erreur. Malheureusement, dans ce petit roman, l'erreur ne provoque pas seulement le sourire, mais elle empêche deux amis de se retrouver plus vite.
C'est aussi l'histoire d'un homme qui se raccroche à son seul trésor, sa petite fille. C'est pour elle qu'il fait tous ces sacrifices.
Il y a certains moments où le lecteur touche le fond, à l'instar de monsieur Linh, qui se heurte à l'incompréhension, aux règles de l'endroit où on finit par l'emmener, après que le dortoir des réfugiés a fermé. Là aussi, l'endroit n'est pas nommé, comme nous le nommons, mais le lecteur devine aisément ce que c'est, s'appuyant sur les observations de monsieur Linh.
La fin est terrible, car nous découvrons quelque chose que l'on soupçonnait un peu, mais que nous n'osions pas envisager.
Mais c'est également une note d'espoir, car ce que nous croyions une évidence n'arrive pas, et on peut imaginer (surtout moi qui préfère les fins heureuses, du moment qu'elles ne sont pas tirées par les cheveux), que maintenant, tout ira bien...
C'est un très beau livre que je conseille pour tous les sentiments profonds et les émotions qu'il fait passer.

samedi 12 novembre 2011

Film de la semaine : De battre mon cœur s’est arrêté

De battre mon cœur s’est arrêté

réalisé par Jacques Audiard

Critiques > 19 mars 2005
critique du film De battre mon cœur s'est arrêté, réalisé par Jacques Audiard

Jacques Audiard veut à tout prix œuvrer avec originalité au cœur du cinéma français : c’est ce que rend évident ce quatrième film traversé par les contradictions. Le scénario recherche l’inventif, la séduction à tout prix (personnage attachant, événements inattendus, frottement entre violence et tendresse) ; la mise en scène aussi cherche à séduire, et s’occupe à emballer ça avec style. Mais la réelle tension que le film parvient à faire ressentir par moments se dégonfle inexorablement, telle une baudruche.


Suivant les traces de son père, Tom trempe dans des magouilles immobilières aboutissant souvent à des affrontements violents. Rencontrant un jour l’ancien imprésario de feue sa mère, pianiste de concert, il décide de se remettre au piano avec l’aide d’un jeune vietnamienne ne parlant pas un mot de français. L’amateur d’électro s’immerge dans Bach, le promoteur véreux néglige son boulot, le fils cherche sa place face à son père, le tchatcheur expérimente la barrière des langues, et bien sûr le petit dur dragueur découvre la sensibilité et l’amour. Sauf que... eh oui, le passé nous rattrape toujours.
Remake de Mélodie pour un tueurDe battre mon cœur s’est arrêté propose un pendant contemporain à la violence sèche des séries B des années 60-70. À la simplicité brutale empreinte de maniérisme que cultivaient ces dernières, Audiard substitue une esthétique dans l’air du temps, efficace, séduisante : caméra à l’épaule, fuyante, à la fois fluide et confuse,montage rapide, univers sonore chiadé, électro pulsative ou planante... le tout assorti d’une double ambition de recyclage cinéphilique (le Scorsese première période n’est pas loin, Audiard père non plus) et de réalisme (le milieu immobilier remplace la mafia). Il en résulte une œuvre forcément hybride. De cette hybridité, elle pourrait faire sa force. Mais elle se retrouve plutôt le cul entre deux chaises.
Sur mes lèvres reposait sur le même principe de grand écart : entre personnages que rien ne prédisposait à se rencontrer, entre naturalisme social et archétypes de film noir. Bien qu’à la limite de l’artifice, le film, porté par une grâce fragile, parvenait à emporter l’adhésion. D’abord parce que l’esthétisme, utilisé ici avec trop de systématisme et de paresse pour toucher vraiment, y ouvrait la porte à une vraie sensualité. Grâce, ensuite, à la belle relation qui se nouait entre Emmanuelle Devos et Vincent Cassel, magistraux, ainsi qu’au minimum d’attention porté au personnage éculé du malfrat (lequel bénéficiait en outre de l’opacité d’Olivier Gourmet).
Ici, le mafieux russe, pur cliché désincarné, ne convainc pas une seconde. Duris et Arestrup, tous deux impressionnants, développent une relation père-fils touchante, mais le film ne lui laisse pas le temps de s’épanouir, trop occupé à fureter un peu partout avec son personnage principal. Duris a beau donner chair à ce dernier avec conviction et porter ainsi le film sur ses épaules, il ne parvient pas à faire oublier le principe un peu facile sur lequel il est construit : un défaut cache toujours une qualité. Il y a des brutes au grand cœur, Tom est attachant malgré ce qu’il a d’agaçant, de repoussant (sa misogynie, son boulot dégueulasse). Parce qu’il a de la gouaille. Mais là encore, anicroche : Audiard cherche à faire dire de manière naturelle des dialogues très écrits — truffés de vannes et de messages fiers d’avoir tout compris à la vie, genre « tout père devient un jour le fils de son fils ».
À vouloir séduire du premier coup (de fait, le film est vif, les dialogues percutants, le jeu enlevé...), il en oublie le principal : la cohérence, l’intensité, la profondeur. Il échoue à conjuguer ambition réaliste et volonté d’excès, faute d’assumer vraiment l’une et l’autre de ces deux options. En fait, il ne semble s’intéresser que superficiellement aux personnages comme aux mondes qu’il fait se rencontrer (l’immobilier en marge de la légalité, l’univers des concertistes).
Ce choc artificiel emporte d’autant moins l’adhésion qu’il repose sur une partition binaire d’un simplisme assez effrayant : du côté des hommes, la violence, le machisme ; du côté des femmes, la sensibilité et la tendresse. S’en donnant à cœur joie lorsqu’il s’agit d’exprimer la misogynie des premiers, le film est incapable de donner leur chance aux secondes, dont il a une vision toute frelatée. De la femme délaissée tombant dans les bras du meilleur ami de son mari à la professeure à la fois bienveillante (comme c’est touchant...) et autoritaire (comme c’est drôle !) en passant par la « pute » bien roulée et un peu neuneu, les personnages féminins sont d’une pauvreté affligeante. À l’image de son titre, d’une poésie facile et pompeuse, De battre mon cœur s’est arrêté s’avère un joli coup de bluff.
Raphaël Lefèvre


In my heart beat stopped

mercredi 9 novembre 2011

Film de la semaine : Dialogue avec mon jardinier

Dialogue avec mon jardinier

réalisé par Jean Becker

Critiques > 4 juin 2007
critique du film Dialogue avec mon jardinier, réalisé par Jean Becker

Il n’est pas si loin le temps où Les Enfants du marais nous rappelaient avec acuité que rien ne vaut l’amitié, la fantaisie et le bon Bordeaux pour être heureux. D’un simple point de vue moral, le dernier film de Jean Becker n’est pas désagréable bien que teinté de cette horrible nostalgie de ceux qui voient l’avenir en regardant derrière eux. Il possède deux bons acteurs, engoncés dans des personnages clichés, et un réalisateur, planplan à souhait, comme son discours, généreux mais peu intéressant.


En choisissant Daniel Auteuil et Jean-Pierre Darroussin comme protagonistes de son dernier film, Jean Becker utilise des vedettes au service d’un cinéma bien de chez nous... Il est sans doute tout à fait sincère lorsqu’il peint, et c’est le cas de le dire, le tableau d’une France perdue qui ne nie pas pourtant une certaine actualité sociale. Il n’en reste pas moins que son traitement bascule incessamment dans la nostalgie de valeurs qui ont disparu, certains le pensent réellement, depuis mai 68. Tout le problème est là : sans pouvoir taxer Dialogue avec mon jardinier de film réellement rétrograde, il est fondé sur le regret. Regret d’une société plus franche, plus simple, mais aussi regret de clichés sociaux qui ne sont pas franchement les moteurs du progrès.
Un peintre parisien, donc riche, donc bobo, donc amateur d’opéra, donc forcément un peu méprisant envers le vulgum pecus qui vit en dehors du périphérique, revient à sa terre pour vivre sa crise de la cinquantaine au milieu des fleurs. Le jardin est en friche, il lui faut un jardinier... et sur qui va-t-il tomber ? Je vous le donne en mille : son ami d’enfance, jardinier, donc un peu paysan, donc amateur de vraie vie simple et naturelle, donc forcément un peu loin de la culture bourgeoise d’un Paris dont on ne parle que par opposition au reste du pays. Ils se revoient, le peintre apprendra évidemment beaucoup de ce jardinier qui n’est évidemment pas aussi simple et gentil qu’on le croit (lui aussi est cultivé, il aime l’opéra !). Il apprendra la vie en somme.
Jean Becker, en isolant ses personnages dans une sorte de Paradis retrouvé, les coupe du monde : bien qu’il soit fait mention du chômage (le beau-fils du jardinier perd son emploi), on revient toujours aux mêmes solutions. Pour vivre heureux, vivons cachés, pêchons, discutons autour d’un bon verre de rouge, et profitons de cette nature vierge et sans tache que nous offre cette bonne vieille campagne loin des tracas. Le discours n’est pas nouveau, il tient peut-être à l’âge du réalisateur qui se plonge dans ses souvenirs, mais il tend parfois à la peinture sociale, cette dernière étant toujours détournée par une scène d’émotion, de rire ou simplement d’oubli.
D’un point de vue cinématographique, Jean Becker alterne une distance et une proximité aux protagonistes, comme s’il ne savait pas toujours choisir entre une émotion, risquée mais plus forte, et un va-et-vient linéaire qui ne traduit pas grand-chose en termes visuels. Les acteurs sont irréprochables, parce qu’il sont talentueux, mais aussi parce que les dialogues ne sont pas trop indigents. Dialogue avec mon jardinier est une sorte d’appel au retour à la terre qui ne dit pas son nom. Ni foncièrement rétrograde ni cinématographiquement inspiré, on sort tout à fait neutre d’un tel film, ayant cru voir la retraite de choristes un peu usés. Et avec l’impression d’avoir tout vu, sauf un film contemporain.
Ariane Beauvillard
Images © Studio Canal

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• La Tête en friche, réalisé par Jean Becker, par Vincent Avenel

Dialogue avec mon jardinier (France, 2006). Durée : 1h50. Réalisation : Jean Becker. Scénario : Jean Becker, Jacques Monnet, Jean Cosmos. D’après : le roman d’Henri Cueco. Image : Jean-Marie Dreujou. Montage : Jacques Witta. Production : Louis Becker (pour ICE3). Interprétation : Daniel Auteuil (le peintre), Jean-Pierre Darroussin (le jardinier), Fanny Cottençon (Hélène), Élodie Navarre (Carole), Alexia Barlier (Magda), Hiam Abbass (la femme du jardinier), Roger Van Hool (Tony), Michel Lagueyrie (René), Christian Schiaretti (Charles)... Sortie : 6 juin 2007.