Je me méfie assez de cette idée quasi mythique selon laquelle le temps qui passe finit par arranger les choses. Cette idée tente à donner au temps une sorte de vertu au temps, alors que le temps est à mon sens un élément neutre, tout dépendant de ce que l'on en fait.
S'il est vrai dans des cas très précis - chagrin à la suite de perte d'un être cher par exemple - le temps qui passe peut avoir quelque vertu en ce sens qu’il permet dans le cas qui nous préoccupe d’apaiser la douleur. Mais vouloir l’étendre à d’autres domaines comme la politique n’a d’autre but que de garder le statu quo, or dans bien des cas le soit disant statu quo n’est qu’apparent.
L’histoire a bien démontré que bien des droits n’ont été acquis que grâce à des luttes, si l’on avait donner le temps au temps, les femmes n’auraient pas acquis leurs droits dans les pays européens et les droits civiques ne seraient ce qu’ils sont aujourd’hui aux États-Unis. A ce propos est remarquable à quel point Martin Luther King dans son excellent ouvrage "où allons-nous" s'attaque avec véhémence aux libéraux qui n'avaient de cessent de dire aux noirs militants des droits civiques que la situation des noirs allait évoluer en s'améliorant avec le temps.
Je peux reconnaître que la mer et le vent ne manqueront pas de me survivre et que l’éternité se soucie peu de moi. Mais qui me demande de me soucier de l’éternité ? Ma vie n’est courte que si je la place sur le billot du temps. Les possibilités de ma vie ne sont limitées que si je compte le nombre de mots ou le nombre de livres auxquels j’aurai le temps de donner le jour avant de mourir. Mais qui me demande de compter ? Le temps n’est pas l’étalon qui convient à la vie. Au fond, le temps est un instrument de mesure sans valeur car il n’atteint que les ouvrages avancés de ma vie.
Mais tout ce qui m’arrive d’important et tout ce qui donne à ma vie son merveilleux contenu : la rencontre avec un être aimé, une caresse sur la peau, une aide au moment critique, le spectacle du clair de lune, une promenade en mer à la voile, la joie que l’on donne à un enfant, le frisson devant la beauté, tout cela se déroule totalement en dehors du temps. Car peu importe que je rencontre la beauté l’espace d’une seconde ou l’espace de cent ans. Non seulement la félicité se situe en marge du temps mais elle nie toute relation entre celui-ci et la vie.<>Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (1952) Stig Dagerman>
Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (1952)
Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (1952)
Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (1952)